Sculpture de calebasse

Au Ghana, on fabrique des récipients et des bols avec les fruits desséchés des calebasses (sorte de gourdes). Il y en a de très grands dont le diamètre dépasse 60 cm. Dans un magasin spécialisé (une baraque sur la route, bien entendu), de nombreuses pièces étaient entassées dans un grand bol. J'ai pensé que c'étaient des chutes inutiles, en vérité il s'agissait d'articles : petites assiettes ou cuillers. J'ai acheté tous ces morceaux, ils étaient au nombre de 120 après un soigneux décompte effectué par le marchand. J'ai acheté aussi un bol troué, qui me semblait bien être une passoire. Je l'ai trouvé assez beau avec ses trous un peu irréguliers et cernés de noir. En fait, ces trous ont été faits d'une façon traditionnelle : percés par des clous chauffés au rouge avec le feu de charbon.

De retour à l'atelier, je perfore le bord des morceaux de cette manière. Ensuite je commence à attacher l 'un à l 'autre avec le fils. Evidemment si je les pose toujours du même côté, ils se fermeront pour recomposer une grande calebasse. Donc, mon seul souci est de renverser des pièces de temps en temps.Sinon la courbe et la découpe de chaque morceau décident d'un développement et dessinent une forme par eux-mêmes. Je les laisse faire. Ainsi la création hasardeuse s'est continuée jusqu'à l'épuisement du stock.

 

Tours de sacs d'eau

A Accra, capitale du Ghana, le commerce se passe le long de la route. On y voit beaucoup de baraques avec leurs fameux panneaux publicitaires peints à la main. L'une est un magasin d'alimentation, l'autre est un étal de matériels électriques, ou un salon de coiffure... Et encore il y a des expositions ciel ouvert de fabricants de meubles. En outre, des vendeuses à la sauvette portent leurs marchandises sur la tête. Certaines vendent des sachets plastiques d'eau potable. Il fait tellement chaud qu'ils partent comme des petits pains. Ce qui est lamentable, c'est qu'après avoir calmé leur soif, les gens jettent le sac par terre, et les déchets envahissent le paysage exotique.

Par des sentiments de désolation et de révolte, j'ai conçu une tour qui propose une solution esthétique à ce dégât environnemental. C'est une simple tige en fer pointue plantée sur une base en béton. Les gens sont invités à apporter le sac et l'y percer. Elle est, pour moi, une sculpture qui change d'aspect au fur à mesure de la participation du public : l'entassement des sacs.

Une fois la tige remplie, on mettra d'emblée une centaine de sacs à la poubelle, et on recommence. J'ai fait deux tours et les ai installées dans la cour de l'atelier où j'ai travaillé avec les autres artistes européens ou africains et les étudiants ghanéens. Le résultat fut un franc succès. Tout le monde est entré dans ce jeu écologique avec plaisir (en fait ils étaient conscients des nuisances) ; les sacs éparpillés par-ci par-là ont disparu. Si l 'on les installait partout dans la ville...

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Dernier épisode : Tous les travaux réalisés au Ghana devaient être rapatriés en France, mais la tour n 'est pas arrivée. Les Ghanéens ne l 'ont-ils pas considérée comme une Ïuvre d'art ? Ou bien ont-ils jugé pertinemment que mon travail perdrait sa valeur hors du contexte dans lequel il est né ?

 

(Texte Extrait du livre "Passivité active" (Fûdo Editions) pp.50-53)

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